Auto-promotion et habitat coopératif : une troisième voie pour l’habitat ?

Depuis une petite dizaine d’années, on voit se multiplier des initiatives en faveur d’un habitat qualifié souvent d’alternatif, au sens où il propose une alternative de production à la promotion immobilière d’un côté et au secteur social de l’autre. Quelques opérations phares sont ainsi en chantier et quelques 200 initiatives sont à l’étude aujourd’hui en France. Elles convergent autour de principes communs, parmi lesquels : la volonté d’une participation des habitants à la conception et à la réalisation de leur logement, la recherche de relations de solidarité et d’entraide entre voisins, l’affirmation de préoccupations écologiques dans la construction… La question de l’accessibilité au logement est également au cœur des préoccupations dans un contexte marqué par les difficultés croissantes des populations modestes mais aussi, dans certaines zones où le marché immobilier est particulièrement tendu, des couches moyennes à se loger. Derrière l’affichage « habitat alternatif », on trouve aujourd’hui une multiplicité d’expérimentations, chacune d’elles s’attachant à inventer de nouvelles manières d’envisager la conception et la promotion d’un logement autant que la vie d’un ensemble de résidents. Les expressions employées pour y référer sont ainsi multiples -« habitat participatif », « habitat coopératif », « habitat groupé » ou encore « co-habitat »- et renvoient à des montages juridico-financiers, des populations visées ou des porteurs de projet variés, le plus souvent des groupes d’habitants et des associations, parfois des bailleurs sociaux et depuis peu des collectivités territoriales qui souhaitent diversifier leur parc. L’espace ouvert depuis peu par ces expériences constitue un véritable laboratoire d’analyse des tendances et évolutions du secteur de l’habitat en France et à l’étranger et c’est à ce titre qu’il nous intéresse. Les enjeux soulevés par des expériences sont en effet de taille :  
  • sous l’angle de ce qu’elles font apparaître « en creux » dans les politiques et les marchés contemporains du logement. Qu’est-ce que ces expériences traduisent des évolutions des politiques de logement et de l’Etat Providence ? Quelles relations sont à tirer entre ces deux processus : émergence de dynamiques participatives et fragilisation d’un système de protection sociale ? Qu’est-ce que cela signifie des recompositions en cours et à venir des solidarités sociales ? A ce titre, les comparaisons internationales sont certainement d’une grande richesse.
  sur la question du passage de l’expérimentation à la généralisation de ces expériences, qui suppose l’association avec des institutions ou des acteurs plus puissants. Des réseaux d’habitants, d’associations et de professionnels, tant nationaux qu’internationaux, tentent de se structurer récemment pour cumuler les acquis des expériences et dépasser le stade de la simple expérimentation. Quid de ces tentatives ? Quels sont les bénéfices et les pertes de ce processus ? Au profit de qui et au détriment de qui ?  
  • sur les attentes nouvelles que ces opérations révèlent en matière d’habitat et de logement. Qu’en est-il depuis les travaux nombreux menés dans les années 1980 dans le domaine de la sociologie de l’architecture ?
  • sur les pratiques collectives des habitants. Quid des projets collectifs et des valeurs qui fondent les groupes ? Comment se composent (et se recomposent au fur et à mesure de l’avancée du projet) les groupes ? Quels modes de fonctionnement adoptent-ils ? Comment gèrent-ils leur coopération et leurs conflits ?
  • sur le rapport habitants-professionnels-élus dans le processus de fabrication de la ville. Dans un contexte où les intermédiaires entre commanditaires et usagers de la ville se multiplient.
  • sur les formes de gouvernance qui y prennent place.
  • sur les formes historiques de ces expériences et leur reconfiguration actuelle. Ce qui est présenté aujourd’hui dans de nombreux pays d’Europe est ancré dans une histoire remontant au début du XXème siècle, et assimilé à un modèle d’habitat relevant d’un ordre révolu : dans les anciennes démocraties populaires européennes, l’habitat coopératif est encore très présent dans le parc de logement. Mais quel est son avenir : disparition progressive, ou renouveau sur fond de manque de logement abordable ?
  La recherche de cet atelier sur les modes d’habitat « alternatif » sera transnationale et comparative, de manière diachronique et synchronique. Nous chercherons également à faire se croiser ces regards avec les apports scientifiques d’autres disciplines. Nous pensons en particulier aux travaux réalisés sur la question de l’économie sociale et solidaire et les filières courtes ou encore aux travaux engagés sur la démocratie locale et la participation. La recherche anglo-saxonne a ainsi engagé depuis plusieurs années des recherches sur des formes de participation fondées sur l’investissement d’objet comme le logement ou la communauté, ce qu’on appelle le community organizing, qui renouvellent les réflexions sur la citoyenneté.

Activités scientifiques envisagées

Pour l’année 2011/2012, nous avons prévu l’organisation d’un séminaire d’étude international. Ce séminaire pourra prendre la forme de 3 journées d’étude, faisant dialoguer chercheurs français et étrangers des milieux de l’architecture et de la construction et d’autres disciplines auxquels seront associés des professionnels.

Financement

L’axe pourrait compter dans un premier temps sur des financements des laboratoires d’appartenance des porteurs de l’axe (UMR LAVUE 7218, Mosaïques et d’autres à voir). On peut envisager également des partenariats, notamment pour l’organisation de journées d’étude, avec des collectivités territoriales : la mairie de Nanterre, à l’initiative de l’une de ces expériences pilotes ainsi que la ville de Montreuil ont ainsi déjà fait part de leur intérêt à la tenue de telles journées de recherche. Parmi les thématiques qui pourraient faire l’objet de questionnements thématiques lors d’un séminaire, on peut évoquer :
  • Un petit objet qui en dit long : les enseignements d’un objet d’étude marginal
  • Des initiatives ou un mouvement ?
  • Les valeurs : solidarité, mixité, entraide, écologie ?
  • Approche historique : héritages et filiations
  • Construction et circulation des modèles. Les exemples étrangers et leurs usages en France
  • Le rapport à l’utopie
  • De l’expérimentation à la reproductibilité : conditions et enjeux.
Cet atelier du Rehal s’attache à étudier les multiples initiatives qui tendent à se développer depuis les années 2000, en France et plus largement en Europe, en faveur d’un habitat dit parfois « participatif » ou « alternatif » au sens où il est envisagé comme alternative à la promotion privée comme à la promotion sociale. Dans les grandes villes françaises, ces expériences émergent dans un contexte marqué par les difficultés croissantes des populations modestes voire des couches moyennes à se loger. Leurs intentions convergent autour de grands principes communs, parmi lesquels la recherche de nouvelles manières de produire du logement accessible dans un cadre de vie maîtrisé et l’affirmation de la participation des habitants à la conception et à la réalisation de leur logement. Elles s’emploient aussi à instaurer de nouvelles relations de solidarité et d’entraide entre voisins ou inventer des modes de construction plus respectueux de l’environnement. Ce premier séminaire sera l’occasion de revenir sur les différents intitulés employés aujourd’hui pour désigner et qualifier ces expériences. Les expressions mobilisées pour y référer sont multiples en effet -« habitat participatif » ou « alternatif », « habitat coopératif », « habitat groupé » ou encore « co-habitat » en référence au terme anglosaxon « cohousing »- et renvoient à des montages juridico-financiers, des populations visées, des porteurs de projet voire même à des finalités dont les modalités varient d’un projet à l’autre. Derrière ces différents intitulés, on trouve ainsi une diversité d’expérimentations, chacune d’elles s’attachant à inventer de nouvelles combinaisons. Les mots constituent une entrée privilégiée pour appréhender à la fois les enjeux socio-économiques et politiques dont ces initiatives sont porteuses de même que leur pluralité. Au moment où des tentatives s’affirment en faveur d’une fédération des porteurs de ces expériences, l’accent sera mis sur les processus conduisant à l’adoption et/ou au rejet de certaines terminologies et sur les débats qu’ils suscitent.

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