Résumé thèse de Sarah Carton de Grammont

Publié le : 07 septembre 201823 mins de lecture

Savoir vivre avec son temps

Bref précis de cité-jardinage moscovite postsoviétique, comprenant quelques ruses symboliques de politique locale en période de libéralisation économique extrême, divers conseils et tours de main sur l’art du bon voisinage avec les fantômes, ainsi qu’un menu requiem pour des efforts de bonheur

Thèse en anthropologie sociale et ethnologie dirigée par Marc Abélès, soutenue le 05 décembre 2013 à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales.

Résumé 

À consulter aussi : Prix spécial du jury : Sarah Carton de Grammont

Une ethnographie sensible du monde postsoviétique

Cette thèse d’anthropologie urbaine et politique est fondée sur une enquête de terrain immersive et de longue durée1 à Sokol — une cité-jardin moscovite des années 1920, première coopérative de construction d’Union Soviétique, conçue par certains des plus grands noms du constructivisme à la faveur de la Nouvelle Politique Économique (NEP). Au début des années 1930, le lotissement fut « municipalisé » — la coopérative fut abolie et les logements transmis au fonds municipal ; et ses maisons furent « densifiées » : transformées en appartements communautaires. Vinrent les répressions staliniennes, massives ; puis la Grande Guerre Patriotique, le cortège de ses évacués, mais surtout de ses morts. Dans l’après-guerre, le lotissement sembla voué à l’abandon, et se dégrada progressivement. Ses habitants se mobilisèrent contre des projets de démolition, et finirent par obtenir son classement en 1979, sans que pour autant ne soient dévolus de financements à sa réhabilitation.

Originellement bâtie sur un bois de pins en périphérie de Moscou, la cité-jardin des années 1990 se trouve presque au cœur de la métropole, seul quartier où il soit possible d’acquérir une maison individuelle avec jardin : elle est donc soumise à des logiques spéculatives exacerbées dans le contexte de la privatisation des logements et du « nouveau » marché immobilier, et fait l’objet des convoitises de nombreux ainsi dits « nouveaux Russes », ou « nouveaux riches »— ces personnes ayant fait fortune de manière fulgurante là où l’écrasante majorité de la population se trouvait très violemment paupérisée par les réformes. Lorsqu’ils s’installent dans le quartier, ces habitants d’un nouveau genre en prennent souvent assez à leur aise avec les règles de préservation du monument, rasent les modestes maisonnettes d’antan, construisent en lieu et place « d’invraisemblables cottages » aux allures de forteresse. Fin 2013, l’un de ces cottages était en vente pour la modique bagatelle de neuf millions de dollars américains.

Toutefois, une partie des anciens habitants du quartier, largement issue de l’ancien réseau militant constitué pour son classement, s’est mobilisée pour se constituer en autogestion politique dès 1989 : au départ pour pallier l’incurie du bailleur/régie ; ensuite pour lutter contre la gabegie de la politique patronale néolibérale de la Mairie de Moscou et de ses instances, et pour tenter de lutter contre ces nouveaux envahisseurs. C’est donc ce Soviet d’autogestion, ce « cité-jardinage » parmi d’autres, qui s’est offert à moi comme l’énigme de départ. Mais tout autant, c’est la singularité de ce quartier, dans le présent et dans le passé : à partir de cette tête d’épingle, il devenait possible de tenter de saisir toute la Russie contemporaine, ses paradoxes, ses tensions, ses contradictions, son « sur-réalisme ». J’ai adopté une approche pragmatique, choisi de décrire des actions dans des situations. Mon regard s’est porté sur des formes de l’action trop souvent laissées inaperçues : sur tout ce que nous faisons, mais aussi sur ce que nous laissons faire, ce qui nous fait faire des choses ou nous en empêche, ce dont nous nous abstenons. J’ai, aussi, élargi cette approche aux émotions dans leurs dimensions politique et performative. Enfin, la bascule de la fin de l’URSS à la « nouvelle » Russie invitait à prendre en compte toute la complexité, toute l’épaisseur, du présent.

Cette thèse décrit donc l’art de savoir vivre avec son temps : de s’y débrouiller, de s’en insurger, de le fabriquer, d’en profiter tant qu’il est temps… Pour cela, elle déploie le temps lui-même : faillé, accéléré, suspendu ; syncrétique, hétérogène, polymorphe. Et elle explicite ce que le temps fait à l’espace – et ce que l’espace fait au temps.

Le plan s’organise selon une structure ternaire. L’introduction décrit l’effondrement du régime soviétique, saisi par le récit d’un quotidien moscovite ; et pose le cadre théorique et méthodologique. La thèse fait ensuite, par des interludes qui sont le jeu social lui-même, le récit de la journée de célébration des 75 ans du quartier, en 1998. Chaque chapitre explicite un « arrêt sur image » dans le cours linéaire de cette journée, révélateur d’une logique  sociale ; et tend aussi à expliciter le chapitre précédent, par élargissements progressifs et successifs du contexte, de l’épaisseur et de la complexité de ce temps où ça se passe, par la description d’autres choses qui se passent.

Des chants de l’Esprit des Lieux

Le chapitre 1 introduit le lecteur au cœur du quartier et au cœur des logiques et des enjeux qui président à la fabrication du musée local : la patrimonialisation du lieu, mais aussi de ses habitants, notamment via le rattachement à la lignée des pionniers fondateurs de la coopérative, l’invention d’une autochtonie urbaine. Enjeux politiques externes et internes, et de performativité de la communauté présente, et de tendresse sociale. Le chapitre 2 décrit les logiques de l’insularité dans la grande ville, et de l’écriture collective de soi sur le mode de la fable comme petit, mais rusé : l’on y pressent, l’on y rêve, la revanche symbolique des faibles contre l’arbitraire des tout-puissants. Le chapitre 3 met à jour le jeu de la nature humanisée : une humanisation de la nature « naturalisée » et pleinement en prise avec les enjeux sociaux, dans une réinterprétation singulière de l’utopie cité-jardinière.

Ces trois premiers chapitres portent donc sur le localisme, la production du genius loci, la longue durée présidant à la fabrique d’un quartier.

De la valeur des valeurs

Le chapitre 4 porte sur la brutalité du changement, l’omniprésence envahissante, l’omniabsence des Nouveaux Russes ; sur la querelle entre les Anciens et les Modernes autour des modes de vie, de la transparence du communautaire vs l’opacité de l’individualisme tapageur, de la « culture » vs la « civilisation moderne normale ». Le chapitre 5, à travers les péripéties des formes de la survie et de la débrouillardise, du prix des choses et de la vie, à travers la vie des objets, à travers des histoires de pauvres et de statuts perdus, se penche sur ce que l’argent fait au temps, mais aussi sur ce que le temps fait à l’argent et à son hyperpuissance du moment. Le chapitre 6 examine la question du politique, dont les rapports de concurrence au niveau local, la performativité de la réitération, le fétichisme en politique. Il décrit comment s’invente, au jour le jour et dans la durée, une « tradition » d’autogestion donnée comme pionnière de la démocratisation, et en quoi cette « nouvelle » institution est l’hybride postsoviétique de deux institutions parfaitement soviétiques, l’ancien bailleur/régie, et l’ancien Comité d’immeuble, représentant des locataires.

Ces trois chapitres portent donc sur la nature et la force des choses qui ont une histoire, sur les débats politiques du micro au macro, sur anciennes et nouvelles valeurs et sur leur valeur pratique et morale à l’aune du présent et de ses avenirs, de ses passés, de ses avenirs d’antan.

De la présence des absences

Le chapitre 7 s’interroge sur les jeux d’ombre et de lumière entre une mémoire collective publique pléthorique de la Grande Guerre Patriotique, et une mémoire plus murmurée ou échappée que revendiquée et affichée, des répressions staliniennes et des purges. La première partie questionne la notion même de mémoire pour mettre l’accent sur « les cadres sociaux de la vie sans ». Les fantômes font irruption dans la seconde partie ; on y voit des situations-prisons, où les morts interviennent dans les rapports sociaux du présent. En posant l’hypothèse de la sagesse du sujet silencieux, cette partie dénie le déni, ou plutôt souhaite élargir le débat. Le chapitre 8 explore le règne de l’« improuvable ». En diachronie à partir d’archives des années 1960, où se lit le début de la patrimonialisation des habitants, mais aussi, dans des lettres de plainte, d’autres situations-prisons. On y lit l’aporie d’une

« camaraderie nécessaire », et que la « communauté » naît de la défense d’intérêts privés et de la lutte contre l’« antisocial » en tant que cette lutte est un « travail social ». On y lit la pluralité des horizons de légitimité de l’usage des espaces, l’ultra-violence de rapports de force se jouant dans la prédation ; mais aussi la patience folle de médiateurs bénévoles. La seconde partie décrit le présent de tout cela : de l’armée de l’ombre des anciens voisins, des sources de la propriété actuelle, des appartements communautaires, de rapports de force dans des rapports de sens où « ‘faut être pris pour n’y rien comprendre », de la dénonciation de la délation ; des accusations – en miroir – de spoliation et de prédation. Portant sur l’ostracisme, cette partie traite du funambulisme symbolique, du fil ténu et fragile entre décadence nouvelle russe et, surtout, déchéance nouvelle pauvre.

Cet ensemble forme donc une partie sur comment toutes ces présences absentes (dé)structurent les rapports sociaux et sur comment on les organise socialement.

Un épilogue dit, enfin, les scansions du rythme effréné et perpétuellement catastrophiste de la société globale, et les élargissements ou rétrécissements successifs de la scène locale. Il pose qu’il n’y a pas de fait divers. Il boucle la boucle en 2009 de la description de la Moscou de 1991, donnant la pleine mesure du changement. Et ouvre sur l’In-fini de l’instant : ce travail voulant tenter de saisir le temps d’un espace, il se devait en retour d’essayer d’attraper ces instants d’éternité où l’espace le plus humble, une cuisine où mijote une soupe aux orties, devient, là où battent les cœurs, le cœur irisé du monde qui bat. Requiem pour des efforts de bonheur : boucle bouclée sur sa permanente réouverture.

Ce travail pionnier sur Moscou embrasse une amplitude temporelle remontant à avant 1917 (pour certaines mémoires familiales), et croise des matériaux et des sources exceptionnels par leur diversité et leur rareté. Il offre un éclairage sensible, farouchement ethnographique, sur la Russie de la fin du régime soviétique à l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, encore trop peu explorée par les anthropologues. Il interroge à nouveaux frais les paradigmes de la transition, de la rupture vs continuité, du totalitarisme : relevant l’hybridité et le syncrétisme fondamentaux de cette « nouvelle » société, il montre par exemple aussi bien un système soviétique en quête de droit, qu’une Russie contemporaine profondément structurée et agie par l’héritage totalitaire, tout en l’inscrivant dans un monde global où certaines institutions internationales vont promouvant une « thérapie de choc », provoquant ainsi, avec la participation active d’acteurs du cru, un choc sans thérapie.

Apports de la thèse à la réflexion sur l’habitat social

Selon moi, l’anthropologie, science du singulier et science du partagé, se doit d’être partageable et partagée. En ce sens, je me proposais de faire une « anthropographie » : non pas d’écrire du point de vue de Sirius, mais de rendre intelligible et familier le monde que j’avais véritablement élu, à tout lecteur — savant ou pas, anthropologue ou pas, spécialiste de la Russie ou pas.

Cette thèse est la première monographie urbaine d’un quartier de Moscou. Si elle n’a pas de visées opérationnelles directes, sa lecture apporte des éclairages importants sur l’habitat social en Russie mais aussi transposables à d’autres contextes socio-historiques. J’en évoquerai ici quelques uns.

Défense et illustration de la monographie urbaine comme méthode et comme genre, ce travail démontre sa pertinence toujours heuristique pour l’étude de notre monde contemporain, et surtout, rappelle ce qu’est un quartier : une forme dans laquelle s’inscrit, s’installe, et sur laquelle se superpose, du social. Pour le comprendre, il faut recourir à des scènes et à des échelles spatiales et temporelles variées pour restituer les contextes, sans produire une vision close, figée, du social. Il faut croiser les champs (économique, urbain, politique, culture matérielle…) et faire à la fois l’anthropologie d’un espace politique et l’anthropologie politique d’un espace, ou bien décrire les modes d’exercice de la violence sociale et les modes de socialisation de la violence. Cette posture permet de montrer les effets d’interdépendance, les processus d’action et de rétroaction des enjeux dans différents domaines de la vie sociale saisie en un micro-espace, mais « sous toutes ses espèces » et dans la pluralité croisée de ses dynamiques. Enfin, cette stratégie monographique permet l’accès à des niveaux de réel autrement inatteignables, et amène ainsi en poussant le plus loin possible les logiques du « micro », à décaler le regard, monter en généralité et explorer des objets-limites, provocants ou « invitants » : à expérimenter par exemple une anthropologie des fantômes, de la vie sociale des morts, du temps comme acteur social, de la structuration sociale de et par la déstructuration, de la structuration de et par l’absence, de la peur, de l’« improuvable », des espaces comme « espaces-temps » et comme « choses », du silence, des savoir-vivre avec son temps, des savoir-produire son temps, des efforts de bonheur, de l’avenir, du désir… Un quartier, c’est tout cela.

L’un des objectifs de ce travail était bien de décrire le fonctionnement et les effets de la politique urbaine menée à Moscou depuis la fin du régime soviétique : c’était ainsi ouvrir la voie à sa critique. Le passage d’un parc de logement presque entièrement public à un parc mixte s’est en effet accompagné de mutations urbaines et sociales aussi brutales que profondes. À cet égard la thèse constitue un apport pionnier en termes de morphologie, tant sociale qu’urbaine, de la Moscou de ces vingt dernières années. Densification, mitage du tissu, disparition des espaces verts, privatisation d’espaces publics, clôture généralisée, spéculation effrénée et nouvelles ségrégations : la privatisation du logement offerte à tous s’est accompagnée d’une dépossession de la ville dans son ensemble pour le plus grand nombre.

La thèse décrit aussi le transfert, les réinterprétations et le devenir, dans la Russie pré-révolutionnaire, soviétique, puis postsoviétique, de la cité-jardin howardienne. Inscrite dans les débats urbanistiques des années 1920 sur le plan de la capitale soviétique du futur et « la ville verte », cette cité-jardin réinventée fait fort écho aux villes nouvelles d’ici, et aux éco-quartiers d’aujourd’hui. Le projet, au plan très subtilement travaillé, se revendique comme ouvriériste et expérimental : on y teste des matériaux d’isolation, des éléments fabriqués en série pour réduire les coûts mais s’intégrant dans des maisons dont aucune n’est semblable à une autre, on y prévoit de nombreux équipements collectifs, on y rêve d’une vie communautaire. Tous ces éléments vont faire les heurs et malheurs du quartier, et l’objet d’infinis recyclages : est retracée l’histoire du projet et de sa réalisation, de sa réception, de sa critique y compris par ses auteurs, de sa décrépitude, de sa redécouverte et patrimonialisation, et enfin, de sa gentrification actuelle. Rappel de l’importance du projet et de sa qualité, mais aussi du symbolique et de l’imaginaire…

Cette thèse décrit le temps long de la fabrique d’un quartier, de sa cristallisation, de sa mémoire ; la vivacité transgénérationnelle de l’imaginaire pionnier. Elle analyse un cas très singulier de patrimonialisation soviétique puis postsoviétique d’un quartier d’habitat social, mais aussi de ses habitants. Elle révèle l’ancrage urbain et ses fonctions identitaires, montre les ressorts et l’efficace d’une véritable autochtonie urbaine : invitant ainsi à réexaminer d’autres contextes.

Elle souligne aussi l’importance des possibilités ou non de pouvoir se projeter dans un avenir in situ, et questionne fortement le slogan incantatoire du « tous propriétaires ». Au delà de la question juridique, se pose en effet celle des possibilités de l’appropriation : l’enregistrement obligatoire du domicile, instrument du contrôle social, permet(tait) cependant la transmission du bail aux descendants, et le plein investissement symbolique et pratique dans le logement social.

Plus spécifiquement, cette thèse analyse pour la première fois de manière aussi approfondie la mise en place en Russie d’une « démocratie participative », et d’une « auto-administration territoriale locale » : la succession chaotique des lois la régissant, ses modalités dans le présent, sa généalogie historique… mais aussi les obstacles incessants auxquels elle se heurte, mais encore ses contradictions — mais enfin sa réelle, quoique relative, efficacité. Le Soviet d’autogestion local est une structure indifférente au statut public ou privé du logement, l’invention d’une forme politique collective de gestion qui n’est ni bailleur social, ni régie, ni syndic, ni assemblée de co-propriétaires, mais tout cela à la fois, et au sein de laquelle propriétaires et locataires ont les mêmes droits à la prise de décision collective.

Ce travail retrace l’histoire des relations entre bailleurs et locataires, entre logeurs et logés, offrant ainsi un éclairage « par le bas » tout à fait novateur sur l’histoire soviétique elle-même. La troisième partie rappelle qu’un quartier, ce sont aussi des absents, et analyse un dossier d’archives des années 1960, de lettres de plaintes d’habitants au Comité d’immeuble (chargé de représenter les habitants auprès du bailleur/régie, mais qui prend en charge aussi la médiation des conflits entre voisins). Dossier révélateur des rapports de micro-pouvoir dans le logement au quotidien… La dénonciation des « comportements anti-sociaux » y est de mise, et ce travail de médiation y fait partie du « travail communautaire ». À l’inverse, aujourd’hui, les militants du quartier et de sa vie « communautaire » s’échinent à organiser, contre vents et marées de l’air du temps, réseaux de solidarité et d’entraide, autonomie financière et politique, événements collectifs et gestes personnels, etc. La leçon à en tirer serait de réfléchir aux dispositifs que l’on construit et offre (ou qu’on laisse construire et (s’)offrir) aux habitants pour « voisiner », et qui, « conduites des conduites », induisent des atmosphères plus ou moins atroces ou sympathiques. Ce travail souligne aussi le bonheur et l’efficacité du choix de la résidence, de la cooptation des voisins, et montre le drame de la coercition ou de l’imposition directe ou indirecte, celui de la mixité sociale imposée à son acmé – avec des contre-exemples exceptionnels mais magnifiques.

Paradoxalement, c’est quand ce quartier devient proprement « d’habitat social » que l’utopie se transforme en cauchemar ; et c’est quand on permet sa reprivatisation que son statut d’habitat social devient au contraire un atout pour y rester maître des lieux et de son destin. En se revendiquant à la fois comme héritiers de l’esprit des pionniers fondateurs, et comme aux avant-postes de la nouvelle démocratie et eux-mêmes pionniers de l’autoadministration locale territoriale, les habitants réussissent (relativement) le double tour de force de pouvoir se maintenir en dehors du marché collectivement, tout en permettant à chacun de pouvoir prendre la décision de vendre sa maison, individuellement. Ce travail invite donc à réfléchir à des formes juridiques/économiques par rapport au logement social, mais aussi à sa gestion, autogestion ou cogestion, formes permettant l’inscription dans le temps long, la transmission aux descendants — tant pour les individus que pour les quartiers et leur savoir-vivre ensemble.

l’issue de ce périple en un quartier si singulier de la Moscou contemporaine, mon lecteur devrait par exemple pouvoir se dire que les petites gens ont de la ressource — et qu’il y a là quelque chose à faire grandir et fructifier, quelque chose en quoi faire confiance — pour une sorte de Bien Commun. Ce texte doit en effet se lire comme une élégie à la formidable créativité habitante qui se niche dans cet espace, s’appuie sur lui et le produit tout à la fois, tissant et retissant jour après jour et au jour le jour de l’urbanité politique, contre la politique urbaine du temps.

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